Textes : Nathalie Burel & Samuel Michel
Musique : Sam Michel
Morceau réalisé dans le cadre de la résidence « L’Autre Idée à Avignon » en juillet 2014.
Je voudrais crever un dimanche. Que ça les occupe, qu’ils aient enfin quelque chose à dire, à raconter, un fait nouveau.
Que le drame surgisse au beau milieu de leurs embrassades familiales gênées, empruntées.
Mon corps en travers du couloir, du chemin dans le jardin arboré.
Une spectaculaire sortie au milieu du repas dominical.
Qu’ils parlent un temps d’autre chose que du temps.
J’ai dormi.
Elle me plait et son silence m’apaise. Un premier réveil simple et indolore depuis des mois. C’est grâce à elle. C’est sûr.
Ce matin, les premières heures de douceur, l’esprit lisse, le corps refait dans la nuit, c’est elle.
Évidemment.
Au premier jour, je l’ai sentie. Je l’aime. Telle qu’elle est.
Elle ne me connait pas. Je viens, je la regarde et la respire.
Elle ne le sait pas.
Les portraits sur ma table de chevet, de moi en mariée, en mère épanouie, en grand-mère parfaite me rappellent que j’ai eu une vie. Une vie pour les autres, décidée par les autres. Cette vie s’est arrêtée je ne sais pas quand ; sans doute la dernière fois que l’on m’a prise en photo que quelqu’un a trouvé que cela avait un sens, que quelqu’un en a eu envie.
C’est seulement quand ils m’ont mise là que j’ai compris que j’étais vieille et que même les liens du sang s’étiolent.
Je ne suis plus utile. Je suis inutile. Je suis hors d’usage.
Elle ne sait pas que je suis là d’ailleurs. Où qu’elle soit.
L’âme le charme, tout ça, c’est son affaire.
Sûrement.
Les livres et le reste, l’air chaud du ventilo, les lettres que personne n’ouvre plus.
Ma fille a posé les cadres sur la commode et ils n’ont plus bougés. Personne ne les regarde. Et moi, je pense aux autres moments, ceux qui ne sont maintenant plus qu’à moi. Qui n’ont jamais été photographiés.
Ma vie tendue vers une envie. Quand j’avais un corps. Un corps qui demandait, qui suppliait, recevait, s’éloignait, se rapprochait.
Après tout s’inverse, le corps n’est plus qu’une souffrance laide.
Je voudrais crever un dimanche.
Bien sûr elle est seule maintenant, il est parti depuis longtemps.
Il ou elle, je n’ai pas fouillé.
Peut-être Elle.
Elle.
Elles ont été heureuses, des matins simples et indolores.
Évidents.
Et des jours autres aussi.
Différents.
Pleins, beaux, tristes, lumineux, déchirants, calmes, touchants et
chiants...
On me disait drôle, je voulais que l’on me trouve belle.
Mais dans des bras qui se fermaient sur moi j’ai été Françoise Fabian, Anouck Aimée. Ces chambres où danser nue vers tous ces bras, dormir nue sur les draps.
Et rentrer le soir, lire dans le fauteuil du salon en attendant Maurice.
Enfiler ma chemise de nuit sage et me glisser sous les draps sages de Maurice.
Vous tomberez amoureux de mes restes.
Mais j’aimerais savoir maintenant. Je n’avais rien demandé quand elle s’est imposée.
Maintenant je traine et je me hasarde dans ce passé. Je l’invente et me trompe à coup sûr.
Mais j’aimerais qu’elle fût comme je l’ aime.
Vous tomberez amoureux de mes restes
Vous tomberez amoureux de mes restes
Textes : Nathalie Burel & Samuel Michel
Musique : Sam Michel
Vidéo : Samuel Michel
Released juillet 2014, Avignon.